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Le Mag' de Tirawa : Carnet de voyage - Haute Route de Vilcanota et fête de Qollu Rit'y

Haute Route de Vilcanota et fête de Qollu Rit'y

Haute Route de Vilcanota et fête de Qollu Rit'y écrit par Julien FREIDEL :  Le Mag' de Tirawa

Carnet de voyage rédigé par Julien FREIDEL

Haute Route de Vilcanota et fête de Qollu Rit'y

- Haute Route de Vilcanota et fête de Qollu Rit'y -

Pérou, Amériques

Le lendemain matin à Cusco. Le calme matinal est soudainement troublé par le crépitement de pétards et les tambourinements de grosses caisses. Interloqué par tant de vacarme, je courre sur la place d'Armes, coeur de la cité, pour savoir de quoi il en retourne. En débouchant sur la vaste place carrée, je découvre une ville en effervescence. Il est tôt, nous sommes un jour de semaine et pourtant toute la population de Cusco est rassemblée ici pour participer à l'une des grandes fêtes qui rythment son quotidien. La fête bat son plein sur la place d'Armes de CuscoLa fête bat son plein sur la place d'Armes de CuscoLes fanfares sont de sortie !Les fanfares sont de sortie !Avisant un homme costumé et masqué, j'apprends qu'aujourd'hui, c'est la fête de "retorno de los Santos", le retour des Saints. Cette fête suit de près celle de Corpus Christi où les Saints de toutes les églises de Cusco ont été amenés en procession dans l'immense cathédrale de Cusco. Après quelques jours d'adoration et d'offrandes, il est temps pour eux de rentrer à la maison et retrouver leur autel respectif. Un drôle de duo !Un drôle de duo ! Des costumes qui rappellent les "cholitas" boliviennes Le trajet pourrait être rapide ou discret mais le sens de la fête des péruviens fait de cet évènement un long et splendide spectacle se déclinant jusqu'au coucher du soleil. Tout commence donc dans l'intérieur obscur de la cathédrale. Visages de porcelaine, yeux fixes, riches vêtements de dentelle et taille imposante (2 à 3 m de haut), les Saints sont installés sur des brancards. Soutenus par les épaules de dizaines d'hommes, ils franchissent lentement, en oscillant, la grande porte de l'église et prennent place sur la place d'Armes, devant leur fanfare et troupe de danseurs.  A chaque Saint, sa confrérie de fidèles laïcs. L'une des Vierges de la processionL'une des Vierges de la processionLa fête peut désormais commencer. Place aux danseurs pour ce premier acte. Poussés et excités par les musiciens,  ils font admirer leurs habits et leurs danses. Les costumes, toujours colorées, sont de la plus grande variété.  Certains groupes ont choisi des habits de carnaval, bien loin de toute idée religieuse, tandis que d'autres sont déguisés en condors, empereur Inca, indien d'Amazonie ou bien ont le visage recouvert de masques grimaçants. Ces costumes retracent par des tableaux colorés l'histoire indienne du pays. En admirant le spectacle, comment ne pas songer aux grandes fêtes Inca lorsque les momies des Empereurs décédés étaient sorties de leur temple et promener ainsi en procession. Cinq siècles plus tard, il est troublant d'assister à la même scène. Mais qui donc vénère la foule ? Le jeune dieu catholique ou les immémoriales divinités andines ... Après plusieurs tours de la place d'Armes, les confréries se dispersent à travers la ville, commençant leur très lent voyage retour vers leurs églises respectives. Le soleil inonde maintenant Cusco. Après tous ces efforts, les visages sont en sueur et les corps fatigués. Il est temps de marquer une pause.  Chaque groupe gagne une gargote et avale un solide repas en vidant des caisses et des caisses de " Cusquena ", la bière locale. Ici, religion et alcool font très bon ménage ! Il faut dire que dans la mentalité indienne, l'alcool est une boisson sacrée permettant d'entrer en contact avec les divinités andines alors boire, voire s'enivrer c'est presque accomplir un acte religieux ! Encore une fois,  le vernis catholique craquelle révélant un vieux fond de croyances indiennes. Des danseurs déguisés en condorsDes danseurs déguisés en condorsEn avant la fanfare !En avant la fanfare !Une fois restaurées et reposées, les confréries reprennent leur chemin. J'en suis une, attiré par l'étrangeté des costumes des danseurs. Déguisé en cow boys des Andes, chaussés de bottes de cuir, portant un masque terminé par un long nez d'ivrogne avec à la main une bouteille de bière, ils forment une troupe dépenaillée, invectivant gentiment la foule. Après un long arrêt sur le parvis de l'église Santa Teresa, le second acte peut commencer, plus long et émouvant que le premier.  La foule se remet en branle et progresse lentement vers sa destination finale, l'église de San Blas, posée au sommet d'une colline et dominant la ville de Cusco. Toute la journée, les sensations et impressions sont mêlées. On passe sans transition du burlesque au sérieux, du sacré au profane, de la foi à la joie. IMG_4508 La place que chacun recherche est la plus difficile, la plus pénible, la plus exigeante physiquement et par là celle qui permet de retirer le plus de mérites pour l'année à venir. Chacun veut souffrir à porter le lourd brancard transportant le saint. La tâche est dévolue aux hommes qui s'alignent de part et d'autre, impeccables dans leurs costumes de fête. Tout le poids repose sur leurs épaules et ils avancent au pas de l'amble, oscillant dangereusement comme s'ils affrontaient une mer déchaînée. Dans l'effort, les yeux sont fixes, le regard intense et le visage luisant de sueur. Ouvrant le chemin et leur donnant de l'énergie, les danseurs et  musiciens entraînent la foule. Avec la fatigue, les anciens laissent place aux jeunes ; les pauses se multiplient et s'allongent. A chaque fois, l'arrêt est périlleux. Il faut déposer sur une plateforme en bois le brancard et éviter un déséquilibre fatal. Tout le monde s'empresse pour porter le SaintTout le monde s'empresse pour porter le Saint

On est désormais dans les faubourgs de la ville, au pied de l'ultime côte qui nous mène à l'église San Blas. L'après-midi touche à sa fin. Une dernière grande pause est l'occasion d'avaler un repas avant l'effort final. L'ambiance devient électrique, notre parcours emprunte une ruelle étroite où la foule est compressée entre de hauts murs. Le soleil disparait derrière les collines de la ville et Cusco s'illumine de mille lumières. La nuit est déjà bien installée lorsque l'on parvient sur le parvis de l'église. La foule s'entasse à l'intérieur et dans un ultime assaut, danseurs, musiciens et portefaix s'engouffrent en force dans l'église.  Aucun prêtre n'est présent, le lieu appartient aux fidèles. L'émotion est à son comble. Tout le monde chante à pleins poumons, agitant au-dessus de sa tête son bonnet andin. Les musiciens se déchaînent une dernière fois, le son devient assourdissant, rebondissant sur les murs de l'étroite église. Après tant d'effort, les portefaix se relâchent et pleurent d'émotion. Sur le parvis, les pétards explosent. Il faudra encore du temps pour que l'émotion retombe et que chacun retourne chez soi, en plein coeur de la nuit, emportant avec lui des images qui lui tiendront compagnie toute l'année. Les cowboys font partie de la fête !Les cow-boys font partie de la fêteDe drôles de danseurs armés de bières et sombreros !De drôles de danseurs armés de bières et sombreros !Il aura fallu plus de 9h à notre procession pour parcourir les quelques kilomètres séparant la place d'Armes de Cusco de l'église San Blas. Ce fut une journée inattendue, riches en images et émotions, symbolique de ce que le hasard peut apporter à un voyage d'aventure.

 

Ainsi s'achève cette belle reconnaissance qui a permis d'imaginer un nouveau voyage, la "Haute Route de Vilcanota". A l'avenir, vous pourrez vous-aussi plonger au coeur du tourbillon de la fête de Qollu Rit'y et parcourir ces chemins d'altitude que nous offre la Cordillère de Vilcanota. Il y a encore tant à découvrir alors à bientôt sur les chemins du Pérou ! 

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